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Modulation de l’azote sur colza : Associer potentiel du sol et biomasse de la culture

La mise à disposition des images Sentinelle par l’Europe facilite l’établissement de carte de biomasse du colza, paramètre nécessaire pour calculer la dose d’azote prévisionnelle de cette culture. Cette article présente l’importance de coupler le traitement des images avec des mesures au sol et d’y associer les cartes du potentiel du sol

Posté par Défisol Services, le 11 mai 2018

L’objectif de cette étude est double :

  • Évaluer la pertinence de coupler carte de potentiel et carte de biomasse pour produire une carte de modulation de l’azote sur colza fiable et précise.
  • Apprécier la nécessité (ou pas) de réaliser des pesées de biomasse au sol pour produire des cartes de quantité de biomasse (en kg /m²) avec la meilleure précision possible à partir des images Sentinelle.

Les résultats obtenus démontrent que la prise en compte de la variabilité intra-parcellaire du potentiel permet de réduire l’incertitude du conseil d’une trentaine d’unités d’azote et que le recalage des images issues de la télédétection par des mesures au sol fiabilise les conseils de modulation du même ordre de grandeur. Cet article illustre la nécessité de proposer aux agriculteurs des cartes de modulation qui intègrent ces deux facteurs sans lesquels on peut difficilement parler de précision !  

Matériel et méthode

Depuis 2013, Défisol Services, filiale R&D de be Api, propose un service de modulation de la fertilisation azotée du colza. Cette prestation intègre la variabilité de matière verte pouvant être liées à différents facteurs : conditions climatiques, de semis, présence de ravageurs… Appréhendée par télédétection, les données de variabilité sont couplées à celles liées au potentiel du sol de la parcelle, facteur déterminant pour fixer un objectif de rendement réaliste.

Les premières cartes de matière verte (de 2013 à 2016) ont été établies grâce à l’acquisition d’images multi-spectrales par un capteur embarqué sur un drone. Ces images ont ensuite été intégrées dans une chaîne de traitement (depuis le traitement des bandes spectrales jusqu’à la production de la carte de biomasse) et valorisée en cartes de conseil directement intégrées dans les boîtiers de modulation des tracteurs.

L’utilisation des drones pour acquérir les images s’est heurté à de nombreuses difficultés, notamment liées à l’organisation des  vols et aux conditions d’éclairement qui varient durant le temps de l’acquisition des images. C’est pourquoi, à partir de la campagne 2016 / 2017, ont été privilégiées les images satellites (Sentinelle) mise à disposition par l’Agence Spatiale Européenne (ESA). La résolution au sol et la fréquence d’acquisition des images donnant pleine satisfaction, ont permis de déployer une solution opérationnelle de modulation de l’azote sur colza pour les adhérents du GRCETA de l’Eure (27).

Le tableau ci-dessous présente les parcelles du dispositif de la campagne 2017 / 2018 :

Figure 1 Données de campagne

Toutes les parcelles de ce dispositif, comme celles des années antérieures, ont fait l’objet de mesures de poids frais de colza au sol géo-localisées. Ces données de pesées  ont été corrélées avec un indice de végétation produit à partir des images de télédétection.

Parmi ces 20 parcelles, deux ont été retenues pour illustrer cet article :

  • Parcelle 1 : chez Monsieur Christian (président du GRCETA de l’Eure) et François Verdier ;
  • Parcelle 2 : chez Monsieur Arnaud Clomenil, administrateur de la coopérative Cap Seine et adhérent du GRCETA.

Ces deux parcelles disposaient d’une carte de potentiel déjà établie avec la méthodologie décrite dans l’article  « Tout comprendre sur la conductivité électromagnétique des sols »  (cliquer ici).

Par ailleurs, la première présente une forte hétérogénéité de biomasse, la seconde une plus grande homogénéité sur ce critère.

 

Intérêt DU RECALAGE PAR MESURE AU SOL

 

La méthode actuelle pour déterminer une dose d’azote nécessite de fixer un objectif de rendement réaliste calé sur les potentiels de la parcelle et la quantité d’azote absorbée par la culture en sortie d’hiver. Les images de télédétection caractérisent la variabilité intra-parcellaire  du développement de la végétation via le calcul d’indices de végétation. Ces derniers doivent être ensuite transformés en variables agronomiques (poids frais ou quantité d’azote absorbé) avant d’entrer dans le calcul final de la dose d’azote.

  • RELATION INDICE DE VÉGÉTATION OBTENU PAR TRAITEMENT DES IMAGES SENTINELLE ET DES MESURES DE POIDS FRAIS AU SOL

Le graphique ci-dessous met en relation l’indice de végétation calculé à partir des images Sentinelle et la valeur de poids frais de colza pesé au sol, au même endroit, sur les deux dernières campagnes (2016 / 2017 et 2017 / 2018).  Ce graphe met en évidence une dispersion du poids frais pour un même indice. Cette dispersion est d’autant plus forte que l’indice de végétation est élevé.  Ce résultat corrobore ceux de nombreuses publications scientifiques et illustre le phénomène de saturation de l’indice face à de fortes biomasses. Ce phénomène de saturation est obtenu pour des indices de végétation supérieurs à 0,8.

 

Figure 3 vegetation biomasse

Une analyse plus fine montre que les corrélations obtenues entre indice de végétation et poids frais sont améliorées en intégrant comme cofacteurs :

  • La période d’acquisition de l’image (Entrée hiver, Sortie hiver)
  • L’année d’acquisition, notamment pour la période d’entrée hiver

 

Figure 2 vegetation biomasse

La courbe en rouge du graphique ci-dessus est une moyenne de 2018 entre EH et SH. En reflète la moyenne des mesures prise lors de la campagne 2017-2018, entrée et sortie hiver confondus.

  • IMPACT DE L’ÉTALONNAGE AU SOL SUR LE POIDS FRAIS

Cas de la parcelle 1 :

Capture5

La carte de gauche présente la variabilité des indices de végétation en entrée d’hiver (valeur moyenne 0,65 ; amplitude de 0,30 à 0,86 ; écart-type 0,14). Celle de droite montre l’indice de végétation en sortie hiver (valeur moyenne : 0,64 ; amplitude de 0,27 à 0,82 ; écart-type de 0,12).

Les deux cartes ci-dessous présentent la variabilité de la valeur d’azote absorbé en sortie d’hiver par le colza obtenue avec l’étalonnage calibrée, spécifique de la campagne (à gauche) et celle obtenue avec un étalonnage moyen (issu des 2 campagnes, 2016/2017 et 2017/2018) :

Capture6

La carte ci-dessous présente les écarts d’azote absorbé entre les méthodes d’estimation (étalonnage moyen sur 2 campagne versus étalonnage calibré pour 2017 /2018 ) :

Capture8

 

En moyenne sur la parcelle, l’utilisation d’un étalonnage moyen entraîne une sous-estimation moyenne de 10 unités de l’azote absorbé en sortie d’hiver du colza, mais avec des écarts importants :

  • En orange : l’utilisation d’une courbe moyenne entraîne une surestimation de l’azote absorbé, jusqu’à 35 unité/ha.
  • En bleu :  l’utilisation d’une courbe moyenne entraîne une sous-estimation de l’azote absorbé, jusqu’à 45 unité/ha.

Figure 4 Ecart Nabs shSeulement 31 % de la parcelle n’est pas touché par un écart de plus de 10 %.

  • Sur 54 % de la parcelle, la quantité d’azote absorbé est sous-estimée, ce qui entraîne directement une surestimation de la dose d’azote à apporter. Il y a alors dans ce cas un risque de perte par lessivage et une dépense inutile d’intrant.
  •  Sur 16 % de la parcelle, c’est le cas inverse ; la quantité d’azote absorbé est surestimé ce qui entraîne une sous-estimation de la dose à apporter. Les risques de perte de rendement sont alors importants.

 

Intérêt de la prise en compte du potentiel de sol

 

EXEMPLE DE LA PARCELLE 1

La carte de biomasse (à gauche) permet d’adapter la fumure azotée en fonction de la quantité d’azote absorbée en sortie hiver et donc de s’adapter aux conditions de croissance réelles. La carte de de variabilité des potentiels (à droite) permet de fixer des objectifs de rendement différents et donc des fumures azotées prévisionnelles spécifiques à chaque classe de potentiel. Chacune de ces cartes apportent une information spécifique :

Capture10Deux cartes de doses prévisionnelles ont été produite, l’une ne valorisant que les biomasse en supposant que l’objectif de rendement (40 q) est uniforme sur toute la parcelle (à gauche), l’autre les deux couches d’information (Potentiel et biomasse) avec un objectif de rendement variant selon les zones de 36 q (orange) à 44 q(vert) :

Capture11

La comparaison des deux cartes de doses d’azote préconisées montrent des écarts conséquents sur plus de la moitié de la surface (55 %) :

Capture12

  •  Sur 25 % de la parcelle 1, la non prise en compte de la variabilité intra-parcellaire du potentiel de sol entraîne une sous-fertilisation avec un risque de perte de rendement
  • Sur 30 % de la parcelle 1, la non prise en compte de la variabilité intra-parcellaire du potentiel de sol entraîne une sur-fertilisation, entraînant un excès d’azoté facteur de risque pour la lixiviation en nitrates.

 

EXEMPLE DE LA PARCELLE 2

Les cartes ci-dessous présentent, à gauche, la quantité d’azote absorbée en sortie d’hiver du colza et à droite la carte de potentiel :Capture14

La variabilité de la quantité d’azote absorbée en sortie d’hiver est plus homogène (de 70 kg/ha à 105 kg/ha) que celle constatée sur la parcelle 1 (de 15 à 100 kg/ha).

Ci-dessous, la carte de gauche présente la variabilité de la dose d’azote prévisionnelle établie avec un objectif de rendement uniforme, la carte de droite en faisant varier les objectifs de  rendement à partir de la carte de potentiel et en intégrant les quantité d’azote absorbée :

Capture16

 

La comparaison des deux cartes de doses d’azote préconisés montrent des écarts conséquents sur plus de la moitié de la surface (56 %) :

Capture17

La non prise en compte du potentiel entraine une sous-fertilisation sur 33 % et une sur-fertilisation sur 23 % de la parcelle.

En conclusion

L’utilisation de la télédétection pour ajuster la fertilisation du colza est intéressante aux conditions suivantes :

  • Calibrage par des mesures au sol du poids frais de colza permettant d’étalonner la relation poids frais et indices de végétation. En l’absence de cette courbe d’étalonnage à établir chaque année en entrée d’hiver et sortie d’hiver, l’incertitude sur la biomasse est de + ou – 30 à 40 unités ;
  • Nécessité de prendre également en compte la variabilité intra-parcellaire des potentiels de rendement. La connaissance de cette information permet d’améliorer fortement l’ajustement de la dose d’azote, de sécuriser les rendements tout en réduisant les excès d’azote source de gaspillage ;

Par ailleurs, lorsque les indices de végétation sont supérieurs à 0,8 (cas des gros colzas), ceux-ci ne permettent pas de prédire de façon satisfaisante le poids de colza et donc la quantité d’azote absorbée. Il est alors préférable de faire des pesées au sol dans chacune des zones d’indices constatées.

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